"Vous voulez les pauvres secourus - je veux la misère abolie"
Victor HUGO.

vendredi 16 avril 2010

Tribune - Haïti, le souci des solidarités locales

Il y a un mois, Philippe Ryfman, membre du conseil d'administration d'ACF et chercheur associé à Paris-I, publiait dans le Monde un article intitulé: "Haïti: les leçons humanitaires".  Si les opérations humanitaires sont toujours (souvent) l'occasion d'une remise en cause de leurs pratiques par les acteurs humanitaires, le traitement médiatique important qui a entouré la crise en Haïti permet la publication de nombreuses réflexions et la comparaison de celles-ci. 

De comparaison c'est bien de ça qu'il s'agit lorsque Pierre Michelietti - ancien président de Médecins du Monde France - renvoie aux leçons tirées du tsunami pour aborder les modalités de la réponse humanitaire en Haïti. (cf. Monde diploamtique du mois de mars 2010). L'Etat d'Orissa, en Inde, qu'il prend pour exemple, a, comme Haïti la particularité d'être régulièrement frappé par des catastrophes naturelles. Mais à mon sens la comparaison s'arrête ici. L'importance des destructions engendrées par le séisme du 12 janvier à Port-aux-Pince, le fait que la capitale du pays ait été touchée - détruisant les infrastructures étatiques et limitant considérablement les capacités d'action du gouvernement - et les difficiles conditions économiques qui prévalaient avant le tremblement de terre, viennent considérablement changer la donne. 
Le tsunami avait été l'occasion pour les "penseurs" de l'action humanitaire de venir remttre en cause le rôle et la place des ONG dans la réponse aux catastrophes naturelles, s'interrogeant même sur la nécessité de leur présence*, en rappelant que l'"aide" n'était pas efficace uniquement quand on lui accolait le qualificatif d'internationale et que le reste des territoires des pays pouvaient prendre en charge les victimes (quoique nombreuses) de la fine bande de terre concernée. Ils avaient rappelé que les premiers secouristes étaient souvent les rescapés eux-même et que la sidération des victimes était un mythe. 
A Port-aux-Prince, Leogane, Petit Goave.. dans toutes les villes touchées par le tremblement de terre à Haïti la première des solidarité à bien entendu été celle des familles. C'est sur ce point que Pierre Micheletti insiste! il réaffirme lourdement la nécessité de du renforcement communautaire et dénonce les difficultés des associations internationales à penser leurs interventions hors des modèles occidentaux, construit sur le modèle d'un SAMU international. A mon sens toutefois les conditions spécifiques du pays rendaient caduques les considérations établis dans le cadre du tsunami. La phase d'urgence qui suivit la catastrophe ne devait elle pas "subir" cet afflux de médecins, secouristes, psychologues, etc. La coordinations des secours à beaucoup fait débat dans la presse, c'est certain, mais je partage avec Philippe Ryfman l'idée que le déploiement sur l'île c'est fait malgré tout avec efficacité "dans des circonstances où l'exceptionnel est, de toute façon, la règle." - A lire à ce sujet les considérations de Fabrice Weissman sur l'impact des médias dans la coordination humanitaire - Aussi il était, je pense, difficile d'envisager l'organisation des secours sur le simple modèle du renforcement des structures, ressources et compétence haïtiennes, tout du moins dans la phase d'urgence que Pierre Micheletti ne semble pas distinguer de la poste-urgence et de la reconstruction qui commencent à peine (et peut-être de manière prématurée)
Rony Brauman publiait lui aussi dans Le Monde du 20 janvier, un article intitulé "En Haïti, l'aide humanitaire doit d'abord s'adosser au solidarité locales". Pourtant on constate que, sans dénigrer l'action de l'aide internationale, les arguments qu'il apporte au crédit des solidarités locales sont bien minces. Je reconnais qu'il s'agit là d'un point qui fut peu traité par les journaux, mais je lis plus dans cette article (écrit à chaud, 8 jours après le séisme) un soucis de renouveler des théories très pertinentes mais établies dans un contexte différent.

En revanche, en soulignant l'intérêt de la participation effective des intervenants locaux, c'est le problème de l'acceptation des ONG qu'il met en évidence et bien plus encore celui de l'amélioration de leurs pratiques par leurs enrichissement culturelles et de savoir-faire. L'ouverture des ONG à des intervenants issus d'autres modèles humanitaires est une nécessité "susceptible d'apporter des réponses différentes". On sent que la préoccupation naît dans le milieu occidentale de l'humanitaire, comme le prouve la volonté du projet sphère de vouloir associer un maximum d'acteurs de différentes origines. Mais ce soucis et encore trop rare et parfois plus sujet à l'amélioration de son image qu'à ses pratiques ou est employé à mauvaise escient (ainsi le projets sphères s'appuie sur l'avis du plus grand nombre pour déterminer des standards qui viennent gommer ces différences).  Il n'était pas inutile qu'un ancien président de grande ONG vienne nous rappeler la nécessité d'un élargissement pour s'adapter aux nouvelles réalités des équilibres mondiaux.

* Rony Brauman - ancien président de Médecins sans Frontières - avait évoqué la pertinence limitée de la présence de MSF sur le terrain. 

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