"Vous voulez les pauvres secourus - je veux la misère abolie"
Victor HUGO.

dimanche 12 septembre 2010

Le mythe du Héros humanitaire.


Bernard Kouchner rendait hommage, le 19 août dernier, dans une tribune postée sur le site du ministère des affaires étrangère, à son "ami", Sergio Vieira De Mello, disparu il y a deux ans, avec 23 de ses collègues, lors d'une mission des Nations-unies en Irak. A cette occasion il a largement insisté sur la question de la sécurité du personnel humanitaire, soulignant le courage des ces personnes qui "cherchent à alléger la souffrance des populations vulnérables au péril de leur vie"... Il ne fut pas le seul, ce jour là, à évoquer le souvenir de collègues disparus dans le cadre de leur travail puisque c'était l'objectif de la deuxième journée de l'humanitaire organisée par le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires des Nations unies (OCHA) qui se tenait à cette même date. 

Ils sont nombreux c'est vrai, malheureusement, à avoir perdu la vie ou à avoir été blessés alors qu'ils conduisaient des activités dans le cadre de programmes de solidarité internationale. Leurs décès nous attristent, c'est certain, et leur engagement mérite d'être souligné. Souligné, oui, au même titre que celui de leurs collègues qui reviennent régulièrement indemne d'ailleurs. 

On idéalise volontiers, lorsque l'on écoute les propos du ministre des affaires étrangères français, l'engagement de ces travailleurs humanitaires qui font fis du danger pour aller aider les autres. Les médias font de plus en plus mention de cas d'enlèvements, de meurtres ou d'assassinats de volontaires ou de salariés d'ONG et d'organisations internationales. Et le discours général s'oriente de plus en plus dans ce sens là. Ainsi, toujours à l'occasion de cette journée de l'humanitaire, Mélanie Brooks, coordinatrice média de l'équipe d'urgence de l'ONG Care rédigeait une pleine page sur la disparition de son amie et collègue Shirley Case, tuée par balle en Afghanistan. Dans cet hommage, elle parle tout simplement des "deux faces de l'humanitaire": "d'un coté l'engagement humanitaire à aider ceux qui en ont besoin, et de l'autre les dangers qui accompagnent notre travail" - renvoyant dos à dos ces deux aspects présentés comme d'égal proportion. Le risque est aussi grand que l'engagement donc.

Néanmoins, si les médias font de plus en plus mention de ces actes odieux, cela ne signifie pas qu'ils sont pour autant plus nombreux. Avant tout gardons à l'esprit que ce n'est pas l'importance du traitement médiatique qui fait la réalité sur le terrain. Mais surtout il est une donnée de taille qu'il faut prendre en considération. L'on parle de plus en plus de cas d'agressions sur des travailleurs humanitaires mais l'on oublie de dire que le nombre de ces travailleurs humanitaires déployés sur le terrain a connu une augmentation faramineuse ces dernières années. Aussi devrions nous considérer cette évolution au regard de cette donnée. Plus de 260 travailleurs humanitaires ont été tués, enlevés ou blessés en 2008 apprend t'on sur le site de Care, ce qui en fait l'année la plus dangereuse. Bien, je n'insiste pas sur le fait qu'il faille appartenir à une grande organisation de secours pour que son décès soit comptabilisé mais je me contenterai de rappeler qu'on dénombrait pas moins de 290 milles travailleurs humanitaires cette année là-1 soit un taux de moins de 0,1%. 

Les données que nous communique Care sont en réalité tirées d'un projet appelé The Aid Worker security Database (AWSD). Une base de donnée qui référence toutes les incidents majeurs et les violences commises contre des travailleurs humanitaires depuis 1997. Des chiffres qui, livrés tel quel, ne rendent absolument pas compte des motivations à l'origine de ces attaques. En 2008 près de 50% des attaques conduites contre des humanitaires faisaient en effet l'objet de motivations politique . Car un point particulièrement m'interpelle dans le texte de Mélanie Brook. Elle rappelle en effet ceci:
"Nous avons signé le code de conduite de la Croix-Rouge, stipulant que nous ne prenons pas parti; nous fournissons une aide fondée uniquement sur les besoins, indépendamment de la nationalité, de la race, de la religion ou de l'origine ethnique."
Il serait bon de rappeler que les organisations humanitaire ne sont pas neutres et impartiales simplement parce qu'elles signent des codes de bonnes conduites, Care, comme d'autres avait en Afghanistan appelé au renforcement des troupes de l'OTAN pour renverser le régime Taliban. A partir de cet exemple je cherche à souligner que les humanitaires ne sont pas des chevaliers blancs, et que, si nombreuses soient leurs bonnes intentions les ONG restent responsables de leurs actes et décisions. Il serait malhonnêtes de ne pas prendre en compte leur part de responsabilité. Ce n'est donc pas un hasard si aujourd'hui les terrains d'interventions des humanitaires les plus dangereux sont aussi ceux où leurs engagements politiques sont les plus importants-3.

2. Ibid
3. Entre 2006-2008 Soudan Afghanistan et Somalie - ont représenté plus de 60% des incidents violents sur des travailleurs humanitaires d'après "Tendances de la violence contre les travailleurs humanitaire" - Abby Stoddard, Adele Harmer et Victoria DiDomenico (2009)

1 commentaire:

  1. g pas tout lu mais c pas mal du tout!

    Le pire c'est peut être les rh des humanitaires...
    faut voir ça, pas étonnant qu'on leur tire dessus après!

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