"Vous voulez les pauvres secourus - je veux la misère abolie"
Victor HUGO.

vendredi 29 avril 2011

Bibliographie Humanitaire.


Alors que le "Open data"1 est présentée comme la plus grande révolution du monde de la publication depuis Gutenberg, les commentateurs de l'humanitaire, décidément à la pointe de la modernité, ne sont pas en reste. On peut en effet trouver, sur le blog "Issues de secours", un texte intéressant qui tire des données communiquées par Google une rigolote petite analyse sur le lexique humanitaire. Le blog "l'humanitaire dans le texte", qui cherche à étudier les écrits sur le sujet, saute sur l'occasion pour se livrer à un petit exercice, à partir de données publiques, pour essayer d'approcher un peu plus la question des publications de nos auteurs humanitaires. 

Sans se laisser gagner par une folie évaluatrice, de plus en plus présente dans le milieu de l'humanitaire, avec des initiatives comme le "projet Sphère" ou d'autres, il semble légitime de se poser la question de la qualité des auteurs que l'on consulte. Mais comment le faire ? En consultants des "spécialistes", en lisant des blogs dédiés à ce sujet...? Nous n'échapperont pas alors à la subjectivité - et ce blog en est sûrement un bon exemple. Tentons alors d'utiliser quelques chiffres.2. Mais à partir de quoi ? A partir de bases de données bibliographiques publiques, à l'instar de celle de Google: Google Scholar

L'approche la plus simple consiste à prendre plusieurs auteurs, et à compter leur nombre total de publications.  On parle du nombre N de travaux d'un chercheur. Par exemple on dénombre 24 articles, textes, ou actes de colloques, de François Grünewald - président du groupe URD - référencés dans la base de données. En comparaison, Pierre Salignon, aujourd'hui directeur général de Médecins du Monde France à un N égal à 34 ou Jean-Hervé Jezequel, historien et auteur du livre "Niger, une catastrophe si naturelle" à  un N de 27. 
Néanmoins les homonymies, ou des orthographes diverses viennent compliquer cette approche. Ainsi Laurence Binet, chercheur à la fondation MSF se retrouve mélangée avec les résultats de Lawrence Binet, connue surtout pour ses travaux sur le lien entre psychologie et religion. 
Enfin cette méthode privilégie largement les auteurs publiant depuis plusieurs années. Certains textes importants de Rony Brauman datent ainsi de 1985, autant dire qu'il a eut largement le temps de faire grimper ce nombre N, aujourd'hui égal à 91 dans Google scholar. Ce qui y fait de lui, et de loin, l'auteur francophone le pus prolifique. Enfin un inconvénient majeur de ces bases de données est de ne pas être exhaustives. Il m'a été impossible de retrouver dans cette base plusieurs articles de François Grünewald, qui compte certainement plus d'articles à son actif. 

Si le nombre N de travaux de chaque auteur nous renseigne sur leur production, nous ne sommes cependant en rien renseignés sur la qualité de ces travaux. En effet, certains auteurs peuvent publier exclusivement dans des revues extrêmement sélectives et n'avoir un N que très peu élevé alors que d'autres sont publiés dans des revues qui les publient tous sans discernement. Les bibliographes ont ainsi développés tout un ensemble de stratégies pour tenter d'atténuer l'ensemble des biais qui jonchent le chemin de l'évaluation chiffrée de nos auteurs. Certains ont cherché à pondérer le nombre N avec une note attribuée aux revues, une note bien évidement sujette à cette même subjectivité dont nous cherchions à nous défaire. D'autre utilisent une solution appelée "facteur d'impact" qui classe les revue en fonction du nombre de citations, dans les deux années qui suivent, des articles qu'elles publient; une méthode jugée par certain non fiable.3 et qui souffre de la subjectivité lié aux citations. 
Le principe d'étudier le nombre de citations d'un travail, comme facteur de sa qualité, s'il relève d'une idée intéressante, nécessite cependant de pouvoir comptabiliser ces citations. Alors que Google Scholar propose cette option, elle souffre pour l'étude des textes sur l'humanitaire des même limites que pour le calcul du nombre N. Relevez pour l'anecdote que certains textes de Rony Brauman sont parfois cités une cinquantaine de fois contre une moyenne de 3 ou 4 pour les articles des autres auteurs. Une remarque à ne pas analyser cependant puisque les sources sont incomplètes... 

Il existe par ailleurs quelques méthodes, plus ou moins complexes, et surtout plus ou moins à même de venir faire disparaître un ensemble de difficultés lié à l'étude, comme par exemple l'indice de Hirsch dont le magazine "Pour la sciences" propose une excellente explication dans son numéro de mars 2011. Mais l'ensemble de ces méthodes plus ou moins fiables, requièrent de pouvoir obtenir des chiffres bruts sûrs et exhaustifs de ce nombre N total de travaux publiés par un auteur. Et alors que de telles données semblent difficiles à obtenir dans des domaines scientifiques bien référencés, la tâche s'avère presque impossible dans une disciple au contour aussi flou que l'est "l'humanitaire". Nos auteurs "préférés" sont journalistes, historiens, politologues, médecins... Leurs champs de publications sont bien larges, et aucune base de donnée ne fait aujourd'hui la distinction. De même pour leurs supports de publications. Alors qu'en mathématique ou en chimie il sera assez rare de trouver des publications sous forme de livre, on ne compte plus les ouvrages sur la solidarité internationale, pourtant la rédaction d'un livre ne relève pas de la même logique d'étude que celle d'un article. 

Il semble que l'Open data en question ne permette pas aujourd'hui de répondre à nôtre besoin de quantifier et d'évaluer. Aussi dans le domaine humanitaire comme ailleurs il reste important de développer son sens critique, son analyse, et d'arriver à comprendre par soi-même les enjeux et les défis que nous rencontrons où qui nous attendent.



1. La mise à disposition du public d'informations brutes capitalisées par des entreprises privées et des administrations publiques.  
2. Les plus curieux pourront lire à se sujet le magazine Pour la science,  de mars 2011. qui apporte une bonne introduction au sujet du traitement bibliographique à travers l'indice de Hirsh, et qui a inspiré cette article. 
3. European of Science Editor.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

En vertu de la loi Informatique et Liberté du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectifications des données vous concernant. Vous pouvez exercer ce droit en me contactant et en précisant vos nom, prénom, adresse et l’objet de votre demande.