"Vous voulez les pauvres secourus - je veux la misère abolie"
Victor HUGO.

samedi 16 avril 2011

Une dangereuse volonté d'améliorer le droit humanitaire ?

Le Los Angeles Times présentait dans un éditorial du 12 avril une réflexion pour "envisager" d'améliorer le droit international humanitaire (DIH) en faveur des civils victimes de conflit. L'article s'appuie sur un drame qui c'est déroulé en Afghanistan en février 2010 où, dans le cadre d'une série de négligences, plusieurs douzaines de civils ont été abattues, confondus avec des militants islamiques. Il existe en droit international humanitaire un principe fondamental, celui de la distinction entre les combattants et les non combattants, un principe souvent mis à mal et peut-être aujourd'hui sujet à des dérives plus grandes ?

De manière assez incongrue l'article s'appuie sur cet incident pour mettre en avant une nouvelle pratique américaine, l'indemnisation financière des familles de victimes. Alors que l'organisation CIVIC, interrogée à cette occasion, se penche sur la question de la perception de ces indemnisations par les familles de victimes mais également sur la difficulté de donner un coût à une vie, on s'interroge d'abord sur la pertinence de cette proposition au regard de l'exemple choisi. 


Le droit humanitaire, à travers les conventions de Genève, et pas seulement à travers les principes des Nations unies comme le présente l'article - impose de manière contraignante de mettre en oeuvre tous les moyens et les précautions possibles pour distinguer et épargner les civils1. La présentation de cette initiative d'indemnisation financière dans le cadre de cette exemple fait oublier que l'armée américaine n'a semble t'il pas rempli ses obligation vis-à-vis du DIH dans ce cas. Ces compensations financières sont présentées comme une "reconnaissance publique d'une terrible erreur" par l'auteur de l'article, mais le gouvernement américain précise bien de son coté qu'il ne s'agit en rien d'un aveu de responsabilité légal ou de faute. 

Plus grave cependant l'auteur propose de donner à cette initiative une dimension généralisée en inscrivant ce principe dans le droit international humanitaire en faisant prévaloir le droit des victimes. "Perhaps such payments should even be required under international law; they seem to do some good." Cette proposition si elle semble généreuse laisse apparaître d'importantes dérives. 

L'idée serait donc d'apporter une compensation aux familles des victimes. Dans le cas cité, ce droit existe déjà, et cette compensation, plus que financière s'appelle la "justice". L'armée américaine comme toutes les autres doit se confronter au respect du droit. Il est dangereux de chercher à introduire de nouvelles dispositions législatives qui risquent d'en faire oublier de précédentes bien plus absolues, comme on l'observe ici. Le risque est grand de voir des Etats s'affranchir de certaines précautions puisqu'ils auraient les moyens de payer. 

Mais de manière plus générale la guerre tue! Et elle tue parfois des civils malgré les importantes garanties que l'on peut prendre. Le Droit humanitaire, de manière pragmatique l'admet, et malgré le drame que cela peut représenter certaines pertes civils sont en conformité avec le DIH. Imaginons que c'est particulièrement à ces victimes la que l'auteur pense dans sa proposition de compensation financière encadrée par le DIH. Au delà de le difficulté de donnée un coût à la vie - si tant est qu'elle puisse en avoir un - une telle disposition du DIH aurait une conséquence dramatique: Seules les armées riches, pouvant indemniser ces familles, aurait alors la possibilité de se conformer au droit humanitaire2.
Toutes les guerres entraînent malheureusement des victimes civiles "collatérales", cela ne laisserait plus qu'aux seules armées des pays riches le "droit" de faire la guerre, rendant encore plus injuste un milieu déjà largement privé d'humanité. 

Chercher à légiférer sur des compensations financières et donner à la vie un prix c'est s'affranchir, à terme, du principe absolue du respect de cette même vie et ce son obligation de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour préserver la vies des civils. A vouloir bien faire, on risque parfois d'affaiblir des principes fondamentaux. 


1. Protocoles Additionnel de 1977 au conventions de Genève, P.I art 49, 51 ,52
2. Il est inenvisageable, et certainement pas souhaitable que le prix des pertes civiles soit fixé au regard des capacités financières des Etats ou des parties au conflit, risquant de créer une intolérable injustice selon que l'on est tué par un ennemie ou un autre.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

En vertu de la loi Informatique et Liberté du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectifications des données vous concernant. Vous pouvez exercer ce droit en me contactant et en précisant vos nom, prénom, adresse et l’objet de votre demande.